« Mon général, les trois étoiles à vos épaules prouve que vous allez travailler pour que le sang de la population de Béni qui a coulé pendant une décennie cesse d’être versé »

La fin de semaine sanglante dans l’Est de la République démocratique du Congo lève tout doute sur les raisons qui ont poussé les autorités congolaises à promulguer l’état de siège dans les provinces orientales du pays.

« Il est significatif que cette mesure ait été adoptée début mai, après une période de protestations massives des populations locales contre les tueries, déclare à Maelezo Kongo une source proche du dossier sous le sceau de la confidentialité. Ces manifestations étaient en train de virer au soulèvement populaire, avec des actes de justice sommaire contre les militaires considérés complices des meurtres et des pressions exercées sur la force des NU (MONUSCO) pour qu’elle plie bagages, vue son incapacité à protéger les civils. Maintenant, cette mobilisation a été étouffée, alors que les attaques meurtrières ont redoublé d’intensité. Logiquement, ce n’est pas pour démanteler leurs réseaux criminels que l’Administration militaire a été établie, mais pour éteindre toute velléité de contestation de la part des populations ».     

Entre le 26 et le 30 du mois mai, 150 civils -mais le bilan est certainement plus lourd- ont été assassinés en Ituri et dans le secteur du Ruwenzori du territoire de Beni, dans le Nord-Kivu. Silence des autorités, en revanche très loquaces lors de l’éruption du volcan Nyiragongo à Goma qui, quelques jours avant, avait fait 32 victimes. Pour Beni et l’Ituri, aucun message de condoléances, aucune enquête annoncée, aucune réunion de crise

L’Ituri à fer et à sang

Un militant de la LUCHA, mouvement d’opposition d’origine estudiantine, tweette : « Vu le silence de Tshisekedi devant l’ampleur de tueries de plus de 150 civils en une semaine à Beni, Mambasa et Irumu, le réflexe d’autodéfense populaire risque de ressurgir avec vigueur ! ».

Pince sans rire, le président de la République, Félix Tshisekedi Tshilombo, s’excuse : «  J’aurai dû déjà être au Nord-Kivu. Mais à cause du fait qu’aucun aéroport de la région ne peut être utilisé pour le moment, nous attendons le go de l’aviation civile pour pouvoir nous déplacer ». Facile de lui rétorquer que même ces jours-ci, des vols depuis Kinshasa pouvaient atterrir à Beni et à Bunia et des rotations d’hélicoptères étaient possibles pour se rendre à Goma, Beni et Bunia.

Des généraux « experts » en massacres…

Point d’hasard en effet si, face aux risques d’assister au développement de ces premières formes d’autodéfense en une véritable insurrection, les officiers envoyés sur place pour gérer l’état de siège avaient été choisis parmi les plus « doués » en matière de « contre-insurrection ».

Parmi ceux-ci, ressort le profil du général Constant Ndima, gouverneur militaire du Nord-Kivu. En 2002 et 2003, il s’était illustré au Nord-Kivu et en Ituri comme coordonnateur de massacres à large échelle de civils Nande et Bambuti.  Un palmarès important s’il s’agit de dompter les foules…

Le général Constant Ndima

Néanmoins Achille Kapanga, ancien maire de la ville de Beni, lui a adressé via les ondes de la radio Satellite.24 un appel poignant : « Mon général, les trois étoiles à vos épaules prouve que vous allez travailler pour que le sang de la population de Béni qui a coulé pendant une décennie cesse d’être versé »…

Entre temps, les soldats de l’armée régulière (FARDC) se manifestent dans leurs oeuvres habituelles. Sur le chemin de l’exode, les gens qui fuient Goma sinistrée par les laves du volcan sont rackettés de leurs biens, portables et argent.

Les mouvements dans leurs rangs n’annoncent pas des bonnes nouvelles pour les populations. Le général Fall Sikabwe, blacklisté par la MONUSCO pour violations massives des droits humains, et chef de l’armée de terre, vient de débarquer à Beni. Son collègue, Bertin Mputela, y est aussi pour prendre fonction de commandant de l’opération Sukola1. Il est accusé par les avocats des parents des victimes, d’avoir fait massacrer des dizaines de civils au Kasaï, en fin mars 2017, lors de la répression du mouvement Kmwina Nsapu.

Le destin des populations de l’Est n’est pas dans d’autres mains que les leurs.


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