RDC La guerre reprend, le Président valide, la paix s’éloigne
A 05h00 du matin de ce lundi 6 juin 2022, les combats ont repris au Nord-Kivu, à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), entre les forces régulières (FARDC), soutenues par les Casques bleus, et l’Armée révolutionnaire congolaise (ARC), bras militaire du Mouvement du 23 mars (M23).
Les affrontements, démarrés à Jomba, se sont étendus aux localités de Gasiza et Kayenzi. Comme de coutume, les deux parties se renvoient la responsabilité de l’attaque qui a déclenché ces nouvelles hostilités suivant celles de la semaine du 20 au 27 mai.
Pendant les affrontements et suite aux graves pertes subies par l’infanterie des FARDC, les hélicoptères de combat des NU ont bombardé les combattants du M23 pour en stopper la contre-offensive.
Sur la ligne de front, sont actifs en appui aux FARDC, les FDLR et les miliciens de l’APCLS, dont une vidéo authentifié attestant leur présence circule dans les réseaux sociaux.
A 08h30, le président du M23, Bertrand Bisimwa, poste sur son compte twitter : « Dans l’intention de compromettre le dialogue de Nairobi recommandé par le Conseil de Sécurité des NU, les Fardc et alliés ont lancé depuis 5h ce matin leur offensive contre les positions du M23 à Jomba. La participation de la Monusco aux combats contredit le Conseil de Sécurité UN ».
« Les FARDC se sont réveillées sous le feu de l’ennemi et ont riposté professionnellement. Pour l’instant, la colline de Muhati vient de passer sous contrôle des Fardc », déclare plus tard le colonel Ndjike, porte-parole de l’armée. Un journaliste qui habite les lieux fait néanmoins remarquer que Muhati se trouve dans le Gisari, qui n’est pas proche des collines de Cyanzu et Runyoni, près desquelles on entend les détonations, et qui surtout, n’a jamais été sous contrôle du M23.
C’est une technique communicationnelle de des FARDC, utilisée aussi dans le territoire de Beni, dans le Grand-Nord du Nord-Kivu, et dans celui de Djugu, dans la province de l’Ituri, d’affirmer d’avoir repris des bases qu’en réalité n’ont jamais appartenu aux forces qu’elles combattent ou disent de combattre.
Selon une autre source, proche du M23, « Dans cet acharnement à vouloir à tout prix une victoire militaire contre le M23 au détriment du dialogue, le gouvernement congolais risque de tout perdre et se retrouver en position de faiblesse totale face au M23 sur la table de négociations à venir ». Sur le versant informationnel opposé, la journaliste de Radio Okapi, le média de la Mission des NU (MINUSCA), Gisèle Kaj Adjeta, écrit sur son compte twitter : « Reprise des combats entre FARDC et M23 depuis 5 heures du matin ce lundi 6 juin dans la région de Runyonyi (Rutshuru). Les FARDC ont répondu à la provocation du M23 qui tirait depuis hier sur les positions de l’armée, indiquent des sources dans la région ». Toutefois, dans la tarde soirée d’hier, le support online election-net.com, proche du régime, avait intitulé son papier : « Les troupes de l’Armée en ordre de bataille sur le mont Chanzu et environs ». Deux jours auparavant, en un communiqué, le M23 avait fait état des préparatifs des ‘loyalistes’ dans la perspective de relancer les hostilités
Tshisekedi sur la corde raide
Ces événements ont lieu pendant le déroulement d’une réunion à Goma des chefs d’Etat-major des armées de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC).
Dans ce même lundi, RFI publie à 2h du matin un article portant le titre suivant : « Pour Félix Tshisekedi, ‘le Rwanda a soutenu le M23 pour venir agresser la RDC’ ». Le président de la RDC y déclare notamment ; « Aujourd’hui c’est clair, il n’y a pas de doute, le Rwanda a soutenu le M23 pour venir agresser la RDC. J’en veux pour preuve le simple fait qu’en 2013, les mêmes M23 avaient été totalement défaits et leur arsenal confisqué. Si aujourd’hui ils ont repris du poil de la bête, ça veut dire qu’ils sont partis de quelque part ; puis armés par quelque part ».
Mis à part le fait que le M23 lors de son repli en Ouganda en 2013, était parti avec tout son matériel, qui l’a aussi suivi quand ses forces sont à nouveau rentrées en RDC en janvier 2017, et que son arsenal a progressivement augmenté de volume parce que ses combattants se sont emparés en plusieurs circonstances des dépôts d’armes des FARDC, comme tout dernièrement dans le camp militaire de Rumangabo, les propos du chef de l’Etat posent des questions sur sa stratégie et sur son poids effectif dans gestion des affaires.
Ils sonnent plutôt comme un soutien tous azimuts à la ligne dure des « généraux intransigeants » à la tête de l’Armée, contraires aux Consultations de paix de Nairobi et motivés par la conviction que d’autres forces, régionales et internationale, se joindront bientôt aux FARDC pour anéantir le M23.
Cette attitude est en contradiction avec une série de déclarations publiques que le même Tshisekedi avait fait entre le 8 et le 12 mai, à Abidjan et à Paris, dans lesquelles avait dénoncé clairement la complicité de l’Armée dans les massacres de l’Est. Nous les avons réunies dans un seul texte, et il édifiant de les lire : « Notre armée y est également pour quelque chose dans ce qui se passe à l’Est de la République Démocratique du Congo. Notre police aussi qui favorise parfois certaines choses qui amènent l’insécurité et bien d’autres choses à cause de sa complicité. Il faut qu’on remette de l’ordre. On ne peut pas continuer à compter des morts (principalement à l’Est de la RDC) comme si nous étions incapables de défendre nos compatriotes qui sont lâchement assassinés. Soit notre Armée est incapable, soit ces CODECO, conglomérat de malfaiteurs (et groupe armé à la base de tueries de plus de 100 personnes dernièrement en Ituri) bénéficient des complicités de nos officiers. C’est inacceptable. Jamais dans l’histoire de la RDC, l’armée n’a reçu autant de financements, mais les résultats ne sont pas proportionnels aux moyens alloués ».
Or, et en dépit de l’avis de tous ses partenaires, du CSNU, de l’UE et de l’UA, le président qui s’était engagé dans le Dialogue de paix à Nairobi semble renier ses propos et choisit une improbable solution militaire. Tout en laissant l’impression d’un chef d’Etat faible, qui affiche de bonnes intentions, mais reste otage des faucons de son Armée qui lui dictent la conduite et le narratif, et dont il risque de paraître comme le porte-parole.
D’autant plus que, pendant que les groupes armés continuent à tuer en Ituri et dans les Kivu, les langues des gens se délient, comme dans le cas de la députée nationale de Lubero, Jeannette Kavira Mapera, qui accuse sans ambages les FARDC de « se confondre » avec les bandes de massacreurs dans une vidéo accablante : https://www.youtube.com/watch?v=f1ZTYnLQp3k
On y reviendra…