RDC. M23 : guerre et politiques de la haine contre la paix et la cohésion nationale
La 6ème guerre du Kivu entre l’armée « loyaliste » et les troupes du M23 (Mouvement du 23 mars, ex-Congrès national pour la défense du peuple, CNDP en acronyme) a connu un rebondissement jeudi dernier, le 19 mai 2022.
Les Forces armée de la République démocratique du Congo (FARDC), coalisées avec un ensemble de groupes armés -dont les rebelles hutu rwandais et anciens génocidaires des FDLR- ont attaqué les positions de l’Armée révolutionnaire congolaise (ARC, aile militaire du M23) dans les collines de Shangi, Kayenzi, Runyoni et Rushari, dans le Nord-Kivu.
Menée à l’arme lourde depuis Kasabeya, dans le Bweza, l’offensive gouvernementale a tourné encore une fois à la défaite des forces régulières. Le lendemain, vendredi 20 mai, les FARDC et leurs alliés -qui apparemment n’avaient pas réussi à impliquer les Casques bleus de la mission onusienne (MONUSCO) dans les combats- se retiraient dans la confusion. Des scènes de pillages de biens et d’animaux de la part des soldats de Kinshasa et des miliciens de l’ALPCS et Nyatura leurs supplétifs ont été reportées par des membres de la société civile. Entre temps, les forces du M23 avançaient vers Bunagana et Tchengerero.
Guerre communicationnelle
Sur le front de la guerre communicationnelle, le lieutenant-colonel Guillaume Ndjike, porte-parole des FARDC a accusé le M23 de violer la trêve : « Nous sommes à Kabasanza, le M23 vient de violer la trêve en attaquant une de nos positions et une patrouille des FARDC. Vous savez aussi qu’il y a environ une heure dans les réseaux sociaux, les M23 ont lancé un communiqué selon lequel ils se préparaient à attaquer et voici la preuve, ils viennent de matérialiser leur volonté, et là les FARDC viennent de maîtriser la situation ».
Pourtant, dans son communiqué, le mouvement rebelle avait surtout accusé l’armée régulière d’avoir noué des alliances avec les bande armées tribales qu’elle est censée éradiquer et tout en les renforçant en armes et munitions : « De nouvelles rencontres ont eu lieu entre les FARDC et les groupes armés, élargies aux autorités administratives du territoire de Rutshuru et les premiers éléments membres des groupes armés formés par les FARDC ont été déployés sur la ligne de front ce mercredi 18 mai », on pouvait lire dans le texte.
Vouée à l’échec sous le profil militaire, cette dernière attaque des FARDC semblerait avoir été dictée par des raisons de propagande et politiques. Embarqués depuis Goma, les journalistes sont emmenés sur place selon un timing précis : absents aux premiers tirs des loyalistes, ils sont conviés à assister à la riposte du M23 qui, lui, doit paraître l’acteur déclencheur des hostilités…
Il s’agit de torpiller les consultations de Nairobi, au Kenya, entre le gouvernement et l’ensemble des groupes armés, dont le M23, qui reste pour l’instant exclu des pourparlers à cause de ce genre de manœuvres portées à lui faire porter le chapeau de la reprise des affrontements.
Gouverner par la haine
Cette tactique découle d’une vision de court terme, qui ne tient pas compte des revendications d’un mouvement avec lequel tous les accords conclus dans le temps (depuis le premier traité de Goma en 2007 jusqu’aux protocoles de Nairobi de décembre 2013) n’ont jamais était appliqués par la partie gouvernementale.
Le manque de volonté politique pour faire le pas décisif vers la paix de la part de Kinshasa est lié au choix d’entretenir l’ethnicisme et la xénophobie de certaines élites du Kivu qui refusent de considérer comme Congolaises les communautés rwandophones de la province, d’où est issue une bonne partie des combattants de l’ARDC.
Cette manière de gouverner par la haine, adoptée par les pouvoirs en RDC depuis 1996 -quand les pogroms anti-Tutsi éclatèrent à Kinshasa et à Lubumbashi-, a produit une série interminables de guerres, de violences et de massacres avec des milliers de victimes.
Une inversion de route n’est pas pour l’instant prévisible dans un contexte politique où la gouvernance des populations semble être de plus en plus exercée par une armée qui privilégie la soumission des Congolais par la peur et la division à détriment de la cohésion nationale et de la participation de toutes les communautés aux affaires de l’Etat.