N’Dolo, éviter l’hécatombe
19 / 05 / 2020
Dans la prison militaire située au nord de Kinshasa, 147 détenus sont diagnostiqués positifs au Covid-19. Faute d’une réaction rapide et appropriée de la part des responsables du pénitentiaire, le virus s’est propagé et certains malades ont besoin une évacuation sanitaire.
Parlementaires et Ong des droits de l’homme plaident pour que le gouvernement procède au désengorgement annoncé des lieux de réclusion.
Mais malgré l’alerte, la direction de l’institut de peine persiste à ne pas prendre les décisions idoines de prise en charge et d’isolement des personnes contaminées.
Selon une source interne à la prison militaire de Ndolo, à Kinshasa, « vers 09h30 d’hier 18 mai, le 147 détenus malades de Covid-19, enfermés depuis une semaine dans une cellule capable d’accueillir 40 personnes, viennent d’être à nouveau placés sous des tentes situées dans la cour. Cette mesure a été prise pour tromper la vigilance d’une délégation gouvernementale qui doit se rendre dans le pénitentiaire pour en vérifier les mesures d’hygiène et de soins prises pour juguler la diffusion de la pandémie. Nous craignons que, après son passage les malades soient ramenés dans la même cellule, coincés dans les mauvaises conditions » qui avaient provoqué des cas d’étouffement et d’aggravation de la maladie.
Rappelons que 44 détenus avaient été testés positifs au C-19 fin avril sans susciter les réactions adéquates de la part de la direction. « Ceux qui sont atteints par le virus restent en cellule avec les autres au lieu d’être placés en quarantaine afin d’arrêter la circulation de l’infection », nous avait confié une autre source faisant partie du groupe des malades. Au soir du 2 mai, deux tentes en guise d’hôpital de campagne sont installée dans la cour pour y loger les prisonniers contaminés, dont le nombre avait entre-temps doublé. Mais sans prise en charge conséquente et sans mesures d’isolement : les « positifs » restent en contact avec les autres détenus qui sortent des leurs cellules pour prendre l’air.
Le 10 Mai au soir, le nombre des malades a augmenté à 147. Ils sont déplacés des tentes et enfermés dans le pavillon B3, en une cellule de 40 lits. Selon la première source : « Ceux qui sont atteints par le virus vivent un véritable enfer. Ils ne reçoivent même pas les doses nécessaires du traitement et subissent une forte pression psychologique et émotionnelle, privés de nourriture, visites et soins appropriés ». Alors qu’on réclame le dépistage de tous les détenus et du personnel pénitentiaire, les conditions des malades se font inquiétantes. C’est le cas du lieutenant-colonel Samuel Birotsho, victime d’une condamnation lampiste dans le procès bâclé pour l’assassinat du colonel Mamadou N’Dala, et dont les proches réclament une hospitalisation d’urgence.

Le 8 mai, le ministre de la Justice, Célestin Tunde Ya Kasende, avait déclaré que « d’ici à la fin de cette semaine ou la semaine prochaine, les prisons seront vidés de la plupart de leurs pensionnaires. Plusieurs centaines de prisonniers seront libérés, les prisons doivent être aérées complètement ». Trois semaines auparavant, l’organisation de défense des droits humains Human Right Watch (HRW) avait lancé l’alerte : « Les prisons surpeuplées et insalubres de la RDC présentent un grave risque de propagation de l’épidémie du Covid-19 ».
Le 15, quelques dizaines de détenus de la prison kinoise de Makala sont transférés dans un pénitentiaire de la province du Kwilu. Depuis la chambre basse du Parlement, la députée Christelle Vuanga avait affirmé : « Il faut humaniser les prisons. Nous avons déploré la surpopulation carcérale et certains prisonniers doivent être dehors. Nous n’avons pas demandé de renvoyer les prisonniers dans d’autres prisons alors que le gouvernement n’a pas les moyens de les nourrir. Nous avons tout simplement demandé de désengorger les prisons ».
Si la volonté d’« aérer » les prisons existe vraiment, la délégation envoyée par l’exécutif devrait imposer à la direction de Ndolo de prendre les mesures nécessaires pour arrêter la progression du virus et procéder à l’hospitalisation de ceux qui en ont besoin. Puis, envisager rapidement un plan de désengorgement du pénitentiaire pour éviter l’hécatombe qui s’annonce.
Luigi Elongui